Entrepreneur, inventeur, enseignant et chercheur, Jean-Philippe Marie de Chastenay est spécialiste du numérique dans ses aspects technologiques et sociétaux). Il a fondé l’agence digitale Touaregs en 2000. Son expérience de l’innovation nous éclaire sur le rôle des algorithmes dans les échanges.
Quel rôle joue l’IA dans les transactions ?
Étymologiquement, l’artificiel n’est pas le « non naturel » mais la volonté de reproduire ce savoir-faire humain. Cependant si le français, n’a qu’une racine latine Artifex, démarche en soi qualitative, sa cousine anglo-saxonne en possède trois acceptions : d’une part la « française », mais aussi celle qui donne artifact c’est-à-dire tromper en imitant (en traitement d’image par exemple) et enfin la troisième : la non-naturalité. L’Artificial Intelligence ne serait qu’une vague mimique de l’humain là où l’IA, elle, tendrait à le concurrencer… Il en va de même pour le second terme « Intelligence » qui en anglais prend plus souvent l’acception de « stockage de données et de traitement ». Le I de CIA est l’incarnation de cette lecture. Nous voyons donc que notre IA / AI prend deux voies bien divergentes : l’une francophone est la neutralité, l’autre anglo-saxonne un semblant de mimique de ce que l’humain ferait. Si la première peut être un outil neutre dans une négociation entre tiers, la seconde revêt, elle, un intérêt dans la négociation.
La simplexité offerte par les algorithmes est-elle un danger dans les négociations ?
La simplexité, comme définie par Alain Berthoz est basée sur une observation de la nature, par opposition, ici, à l’artificiel. En simplifiant à outrance, il s’agit du mécanisme qui tend à rendre simple la mise en œuvre de processus complexes. A contrario, la simplexification pourrait se définir par le fait d’imposer une solution simple à l’emploi (« évidente » voire simpliste) en complexifiant auparavant un processus qui pourrait être intelligible avec un peu d’effort, ceci dans le but manipulatoire de déséquilibrer le jeu des acteurs. Dans notre exemple (cf ci-contre) si l’un des GAFAM « offre » une plateforme alors qu’il tire aussi des revenus de la vente d’espace ou de données publicitaires, il est à la fois compétiteur et arbitre, le conflit d’intérêt est patent. Un seul opérateur manipule l’ensemble des parties prenantes tout en étant lui-même une d’elle, via un processus de dissimulation magique. Ces nouveaux acteurs systémiques, à la puissance de supra-nation[i] [ii] sont donc des acteurs à cartographier dans la négociation.
Vous superposez souvent les auteurs Arthur C.Clarke, L. Frank Baum et Schrödinger En quoi nous éclairent-ils sur les effets de l’IA ?
Si le procédé « naturel » et transposable dans le monde virtuel du numérique, il pose néanmoins une première question : la non-naturalité de la simplexité, remet-elle en jeu les différents rôles ? Puis, très vite, une seconde se fait jour : en quoi la nature de l’entité simplexifiante est-elle neutre ? Ces deux questions combinées, nous mènent à un questionnement plus conceptuel : dans un monde proto-artificiel, la combinaison des lois de Schrödinger et de Clarke, ne nous mettent-elles pas sur le chemin de brique jaune au magicien d’Oz ?
L’algorithme est en soi un objet fascinant, conçu par l’humain (au sens large) et imitant numériquement l’humain (comme lors de la révolution industrielle, les machines à vapeur). Il est élevé au rang de sachant omniscient et juge arbitre. Mais aussi en étant élevé au rang de secret industriel, il permet de rester « magique » aux yeux de tou.te.s..
Comme l’auteur C. Clarke le décrit cette magie est la résultante d’une technologie parfaite, maitrisée et simple. L’algorithme, non explicité, devient un secret de magicien, et donc ne se dévoile pas. Schrödinger parachève le triptyque avec l’état de superposition quantique : tant que les autres ne savent pas que l’arbitre est un des compétiteurs, ils ne peuvent savoir qu’ils ont été dupés.
Pour conclure en revenant sur notre exemple, un ad-exchange privé tire ses revenus par une rémunération monétaire de l’offreur, du demandeur mais aussi en se rendant toujours plus puissant en dévorant tel Chronos ses enfants : les données des offreurs, des demandeurs mais aussi des clients de ceux-ci qui sont ses propres utilisateurs. Le déséquilibre provoqué est difficilement compensable car l’arbitre-compétiteur aura pris soin par une offre simple et inopposable (la gratuité ou l’acquisition) d’éliminer les potentiels compétiteurs ou le système dit « ancien ».
La 3ème loi d’Arthur C. Clarke :
« Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. »[iii]
Le paradoxe du chat d’A. Schrödinger :
Dans l’expérience du chat de Schrödinger, tant qu’aucun observateur ne regarde à l’intérieur de la boîte, le chat est simultanément mort et vivant, car l’atome est simultanément intact et désintégré. Avant l’observation, il est donc impossible de connaître la situation du chat.
[i] https://www.marketwatch.com/story/people-trust-amazon-and-google-more-than-the-police-or-the-government-2020-01-14
[ii] https://marketingland.com/survey-people-trust-google-us-govt-98002
[iii] In Arthur Charles Clarke, Profiles of the Future, 1973
Entrepreneur, inventeur, enseignant et chercheur, Jean-Philippe Marie de Chastenay est spécialiste du numérique dans ses aspects technologiques et sociétaux). Il a fondé l’agence digitale Touaregs en 2000. Son expérience de l’innovation nous éclaire sur le rôle des algorithmes dans les échanges.
Quel rôle joue l’IA dans les transactions ?
Étymologiquement, l’artificiel n’est pas le « non naturel » mais la volonté de reproduire ce savoir-faire humain. Cependant si le français, n’a qu’une racine latine Artifex, démarche en soi qualitative, sa cousine anglo-saxonne en possède trois acceptions : d’une part la « française », mais aussi celle qui donne artifact c’est-à-dire tromper en imitant (en traitement d’image par exemple) et enfin la troisième : la non-naturalité. L’Artificial Intelligence ne serait qu’une vague mimique de l’humain là où l’IA, elle, tendrait à le concurrencer… Il en va de même pour le second terme « Intelligence » qui en anglais prend plus souvent l’acception de « stockage de données et de traitement ». Le I de CIA est l’incarnation de cette lecture. Nous voyons donc que notre IA / AI prend deux voies bien divergentes : l’une francophone est la neutralité, l’autre anglo-saxonne un semblant de mimique de ce que l’humain ferait. Si la première peut être un outil neutre dans une négociation entre tiers, la seconde revêt, elle, un intérêt dans la négociation.
La simplexité offerte par les algorithmes est-elle un danger dans les négociations ?
La simplexité, comme définie par Alain Berthoz est basée sur une observation de la nature, par opposition, ici, à l’artificiel. En simplifiant à outrance, il s’agit du mécanisme qui tend à rendre simple la mise en œuvre de processus complexes. A contrario, la simplexification pourrait se définir par le fait d’imposer une solution simple à l’emploi (« évidente » voire simpliste) en complexifiant auparavant un processus qui pourrait être intelligible avec un peu d’effort, ceci dans le but manipulatoire de déséquilibrer le jeu des acteurs. Dans notre exemple (cf ci-contre) si l’un des GAFAM « offre » une plateforme alors qu’il tire aussi des revenus de la vente d’espace ou de données publicitaires, il est à la fois compétiteur et arbitre, le conflit d’intérêt est patent. Un seul opérateur manipule l’ensemble des parties prenantes tout en étant lui-même une d’elle, via un processus de dissimulation magique. Ces nouveaux acteurs systémiques, à la puissance de supra-nation[i] [ii] sont donc des acteurs à cartographier dans la négociation.
Vous superposez souvent les auteurs Arthur C.Clarke, L. Frank Baum et Schrödinger En quoi nous éclairent-ils sur les effets de l’IA ?
Si le procédé « naturel » et transposable dans le monde virtuel du numérique, il pose néanmoins une première question : la non-naturalité de la simplexité, remet-elle en jeu les différents rôles ? Puis, très vite, une seconde se fait jour : en quoi la nature de l’entité simplexifiante est-elle neutre ? Ces deux questions combinées, nous mènent à un questionnement plus conceptuel : dans un monde proto-artificiel, la combinaison des lois de Schrödinger et de Clarke, ne nous mettent-elles pas sur le chemin de brique jaune au magicien d’Oz ?
L’algorithme est en soi un objet fascinant, conçu par l’humain (au sens large) et imitant numériquement l’humain (comme lors de la révolution industrielle, les machines à vapeur). Il est élevé au rang de sachant omniscient et juge arbitre. Mais aussi en étant élevé au rang de secret industriel, il permet de rester « magique » aux yeux de tou.te.s..
Comme l’auteur C. Clarke le décrit cette magie est la résultante d’une technologie parfaite, maitrisée et simple. L’algorithme, non explicité, devient un secret de magicien, et donc ne se dévoile pas. Schrödinger parachève le triptyque avec l’état de superposition quantique : tant que les autres ne savent pas que l’arbitre est un des compétiteurs, ils ne peuvent savoir qu’ils ont été dupés.
Pour conclure en revenant sur notre exemple, un ad-exchange privé tire ses revenus par une rémunération monétaire de l’offreur, du demandeur mais aussi en se rendant toujours plus puissant en dévorant tel Chronos ses enfants : les données des offreurs, des demandeurs mais aussi des clients de ceux-ci qui sont ses propres utilisateurs. Le déséquilibre provoqué est difficilement compensable car l’arbitre-compétiteur aura pris soin par une offre simple et inopposable (la gratuité ou l’acquisition) d’éliminer les potentiels compétiteurs ou le système dit « ancien ».
La 3ème loi d’Arthur C. Clarke :
« Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. »[iii]
Le paradoxe du chat d’A. Schrödinger :
Dans l’expérience du chat de Schrödinger, tant qu’aucun observateur ne regarde à l’intérieur de la boîte, le chat est simultanément mort et vivant, car l’atome est simultanément intact et désintégré. Avant l’observation, il est donc impossible de connaître la situation du chat.
[i] https://www.marketwatch.com/story/people-trust-amazon-and-google-more-than-the-police-or-the-government-2020-01-14
[ii] https://marketingland.com/survey-people-trust-google-us-govt-98002
[iii] In Arthur Charles Clarke, Profiles of the Future, 1973