Pionnière de la médiation en France, médiatrice expérimentée, Myriam Bacqué est aujourd’hui associée gérante de la MAISON DE LA COMMUNICATION, entreprise dédiée à la qualité de la relation humaine et qui porte ses activités de médiatrice et de formatrice. Consultante juridique internationale en médiation auprès des Nations Unies, elle forme de nombreux professionnels à travers le monde à la prévention et à la gestion amiable des conflits et co-dirige le Diplôme d’Université en Médiation et Règlement des Conflits de la Faculté de droit, de science politique et de gestion de La Rochelle. Membre du collectif MÉDIATION 21 et co-auteure du Livre Blanc de la médiation, fruit des États Généraux de la Médiation organisés à l’Assemblée Nationale en 2018, elle participe activement à la réflexion sur le développement des compétences Métier et des règles de déontologie qui encadrent la mission du médiateur.
Les outils du médiateur permettent-ils de gérer les parties fantômes pour qu’elles ne hantent pas les échanges et remettent en doute les compromis ?
Dans la Négociation Basée sur les Intérêts Globaux (NBSG), négociation à l’heure du tout numérique, les médiateurs vont émerger tout naturellement. Ils vont accompagner la fluidité des transactions de communication dans un monde tourmenté et valoriser une communication non violente entre les parties prenantes afin qu’elles établissent, entre elles, une saine communication nécessaire in fine à la prise de décision collective. Les négociateurs acceptent de remettre alors leur confiance à ces tiers neutres, les médiateurs que vous qualifiez de « chaman ». Cette appellation me séduit puisque le médiateur se doit de s’élever pour « convoquer » dans l’espace de médiation les parties « fantômes » qui ne manquent pas d’influencer les relations systémiques sous tension.
Les médiateurs disposent alors de savoir-faire et savoir-être utiles à la réussite de la NGSG. Je pense notamment à leur capacité à visualiser le meilleur cadre possible pour porter la négociation, embrasser les problématiques complexes dans toutes leurs dimensions humaines, environnementales et économiques, considérer l’intérêt commun du collectif comme une partie prenante en soi, interroger les parties « fantômes » pour qu’elles acceptent de rentrer dans la négociation ou que leurs points de vue soient rapportés par les médiateurs eux-mêmes.
De mon point de vue, les médiateurs sont donc une des réponses à la crise des démocraties et, avec elle, à celle de la prise de décisions collectives et pérennes. Parce qu’ils retissent les liens, ouvrent le dialogue avec tous, incluent toutes les forces en présence même les non-visibles, nos fameuses parties « fantômes », les médiateurs œuvrent en faveur de la co-construction d’accords à la fois globaux et sur mesure. Les médiateurs « chaman » ont donc de beaux jours devant eux et vont participer à la réconciliation de l’être humain avec ce monde chaotique que nous subissons davantage qu’il nous transcende.
Faut-il taire tout appel à l’éthique dans une négociation ?
Ma réponse sera courte et sans appel et je m’excuse par avance pour ce manque de nuance. Il me semble en effet impératif d’être un négociateur éthique comme il m’apparait tout aussi essentiel d’incarner l’éthique du médiateur tout au long du processus de médiation. En négociation, l’éthique peut être comparée à la colonne vertébrale du négociateur. C’est son éthique qui lui permettra d’avancer avec assurance, de se remettre en question, de s’interroger sur ce qu’il est juste et approprié de proposer dans la négociation et sur la façon d’y parvenir de façon ajustée et proportionnée, de mettre en tension le caractère personnel de ce qui se joue dans la négociation avec le niveau supérieur de l’intérêt commun, de préférer les gains qui ouvrent sur l’avenir et sont créateurs de richesse collective plutôt que des gains immédiats et purement personnel, d’élargir le champ des possibles.
Comment canaliser les émotions des négociateurs dans les situations où de nombreuses parties prenantes s’invitent dans les échanges via les réseaux sociaux ?
Nous ne sommes pas tous égaux dans la gestion de nos émotions. Certes, nous pouvons déplorer une recrudescence des émotions négatives parfois qualifiées de « passions tristes » comme le philosophe Spinoza les nommait, à savoir la haine, le mensonge, la peur ou la colère. Les réseaux sociaux, notamment depuis les violences urbaines en marge de la crise des gilets jaunes, nous rapportent cette vision destructrice et outrancière d’une société en surchauffe. Ces images de terreur en boucles sur les réseaux nous donnent le sentiment que la colère devient l’émotion phare qu’il s’agit d’exprimer à tout prix, sans filtre, ni retenue. A mon sens, les réseaux sociaux fonctionnent en trompe-l’œil et en caisse de résonnance. Ils nous laissent à croire que toute la société, voire le monde entier, se laisserait de nouveau emporter par la sauvagerie que d’aucun se plaise à valoriser comme étant la nature profonde de l’homme.
Je ne fais pas partie de ce courant de pensée mortifère. Je conserve, en effet, avec lucidité, la foi dans la beauté de la nature humaine. Je constate d’ailleurs, au gré de mes médiations, que les individus sont très majoritairement des personnes pleines d’humanisme et d’empathie qui demandent à être écoutées, entendues et reconnues dans leur différence. Je remarque que des ponts d’altérité existent entre les femmes et les hommes en médiation, pour peu que les médiateurs sachent reconnaître les émotions en présence et accompagnent l’expression de ces émotions de façon positive pour permettre l’émergence des besoins véritables des personnes, ce qui assure, en fin de processus, la co-construction de solutions partagées et pérennes. Pour moi, il ne s’agit pas de canaliser les émotions mais de leur redonner leur juste place en acceptant de les nommant.
Pionnière de la médiation en France, médiatrice expérimentée, Myriam Bacqué est aujourd’hui associée gérante de la MAISON DE LA COMMUNICATION, entreprise dédiée à la qualité de la relation humaine et qui porte ses activités de médiatrice et de formatrice. Consultante juridique internationale en médiation auprès des Nations Unies, elle forme de nombreux professionnels à travers le monde à la prévention et à la gestion amiable des conflits et co-dirige le Diplôme d’Université en Médiation et Règlement des Conflits de la Faculté de droit, de science politique et de gestion de La Rochelle. Membre du collectif MÉDIATION 21 et co-auteure du Livre Blanc de la médiation, fruit des États Généraux de la Médiation organisés à l’Assemblée Nationale en 2018, elle participe activement à la réflexion sur le développement des compétences Métier et des règles de déontologie qui encadrent la mission du médiateur.
Les outils du médiateur permettent-ils de gérer les parties fantômes pour qu’elles ne hantent pas les échanges et remettent en doute les compromis ?
Dans la Négociation Basée sur les Intérêts Globaux (NBSG), négociation à l’heure du tout numérique, les médiateurs vont émerger tout naturellement. Ils vont accompagner la fluidité des transactions de communication dans un monde tourmenté et valoriser une communication non violente entre les parties prenantes afin qu’elles établissent, entre elles, une saine communication nécessaire in fine à la prise de décision collective. Les négociateurs acceptent de remettre alors leur confiance à ces tiers neutres, les médiateurs que vous qualifiez de « chaman ». Cette appellation me séduit puisque le médiateur se doit de s’élever pour « convoquer » dans l’espace de médiation les parties « fantômes » qui ne manquent pas d’influencer les relations systémiques sous tension.
Les médiateurs disposent alors de savoir-faire et savoir-être utiles à la réussite de la NGSG. Je pense notamment à leur capacité à visualiser le meilleur cadre possible pour porter la négociation, embrasser les problématiques complexes dans toutes leurs dimensions humaines, environnementales et économiques, considérer l’intérêt commun du collectif comme une partie prenante en soi, interroger les parties « fantômes » pour qu’elles acceptent de rentrer dans la négociation ou que leurs points de vue soient rapportés par les médiateurs eux-mêmes.
De mon point de vue, les médiateurs sont donc une des réponses à la crise des démocraties et, avec elle, à celle de la prise de décisions collectives et pérennes. Parce qu’ils retissent les liens, ouvrent le dialogue avec tous, incluent toutes les forces en présence même les non-visibles, nos fameuses parties « fantômes », les médiateurs œuvrent en faveur de la co-construction d’accords à la fois globaux et sur mesure. Les médiateurs « chaman » ont donc de beaux jours devant eux et vont participer à la réconciliation de l’être humain avec ce monde chaotique que nous subissons davantage qu’il nous transcende.
Faut-il taire tout appel à l’éthique dans une négociation ?
Ma réponse sera courte et sans appel et je m’excuse par avance pour ce manque de nuance. Il me semble en effet impératif d’être un négociateur éthique comme il m’apparait tout aussi essentiel d’incarner l’éthique du médiateur tout au long du processus de médiation. En négociation, l’éthique peut être comparée à la colonne vertébrale du négociateur. C’est son éthique qui lui permettra d’avancer avec assurance, de se remettre en question, de s’interroger sur ce qu’il est juste et approprié de proposer dans la négociation et sur la façon d’y parvenir de façon ajustée et proportionnée, de mettre en tension le caractère personnel de ce qui se joue dans la négociation avec le niveau supérieur de l’intérêt commun, de préférer les gains qui ouvrent sur l’avenir et sont créateurs de richesse collective plutôt que des gains immédiats et purement personnel, d’élargir le champ des possibles.
Comment canaliser les émotions des négociateurs dans les situations où de nombreuses parties prenantes s’invitent dans les échanges via les réseaux sociaux ?
Nous ne sommes pas tous égaux dans la gestion de nos émotions. Certes, nous pouvons déplorer une recrudescence des émotions négatives parfois qualifiées de « passions tristes » comme le philosophe Spinoza les nommait, à savoir la haine, le mensonge, la peur ou la colère. Les réseaux sociaux, notamment depuis les violences urbaines en marge de la crise des gilets jaunes, nous rapportent cette vision destructrice et outrancière d’une société en surchauffe. Ces images de terreur en boucles sur les réseaux nous donnent le sentiment que la colère devient l’émotion phare qu’il s’agit d’exprimer à tout prix, sans filtre, ni retenue. A mon sens, les réseaux sociaux fonctionnent en trompe-l’œil et en caisse de résonnance. Ils nous laissent à croire que toute la société, voire le monde entier, se laisserait de nouveau emporter par la sauvagerie que d’aucun se plaise à valoriser comme étant la nature profonde de l’homme.
Je ne fais pas partie de ce courant de pensée mortifère. Je conserve, en effet, avec lucidité, la foi dans la beauté de la nature humaine. Je constate d’ailleurs, au gré de mes médiations, que les individus sont très majoritairement des personnes pleines d’humanisme et d’empathie qui demandent à être écoutées, entendues et reconnues dans leur différence. Je remarque que des ponts d’altérité existent entre les femmes et les hommes en médiation, pour peu que les médiateurs sachent reconnaître les émotions en présence et accompagnent l’expression de ces émotions de façon positive pour permettre l’émergence des besoins véritables des personnes, ce qui assure, en fin de processus, la co-construction de solutions partagées et pérennes. Pour moi, il ne s’agit pas de canaliser les émotions mais de leur redonner leur juste place en acceptant de les nommant.